Chapitre #08 - 2024

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Clémence Hutinet

Directrice Marketing chez Visibrain

Comment maîtriser sa e-réputation

E-réputation et réputation : une frontière de plus en plus floue

S’intéresser à la e-réputation des marques nécessite d’établir un premier constat : aujourd’hui, la frontière entre réputation et e-réputation tend à disparaître. 

Mais qu’est-ce que la réputation au juste ? Elle peut être définie comme la somme des croyances et des opinions d’un public vis-à-vis d’une entité donnée, d’une marque ou d’une personnalité. Avant l’apparition du web, la réputation se formait essentiellement à partir du bouche-à-oreille ou des informations diffusées dans les médias traditionnels. La portée de ces informations était alors bien plus limitée qu’aujourd’hui.

Dans notre monde digitalisé, la réputation se construit désormais principalement à partir des informations disponibles sur le web et les réseaux sociaux : photos, vidéos, posts, commentaires, avis clients, articles de blog ou de presse en ligne… C’est ce que l’on appelle l’e-réputation. Compte tenu du poids du digital – 5 milliards d’internautes à travers le monde en 2023, 1 milliard de posts publics diffusés chaque jour sur les réseaux sociaux – la frontière entre réputation et e-réputation se floute progressivement, voire disparaît. Autrement dit, aujourd’hui, la e-réputation d’une marque, c’est sa réputation !

Cela étant dit, maîtriser sa e-réputation en tant que marque est crucial, d’autant qu’elle est loin de n’être qu’une question d’image. Son impact sur le business est direct, et alors qu’une e-réputation mise à mal affectera la pérennité d’une entreprise, une bonne e-réputation viendra la renforcer. Les communicants le savent, garder le contrôle sur sa e-réputation est un défi quotidien, d’autant qu’elle ne dépend pas seulement de l’entreprise, mais de l’ensemble de ces parties-prenantes.

E-réputation : l’affaire de tous ?

Les plus grands cas d’école en matière de bad buzz le prouvent, qu’il soit externe ou interne, chaque acteur de l’entreprise peut avoir un impact sur sa e-réputation. Parmi ces acteurs, nous retrouvons :

  • L’entreprise elle-même

Évidemment, l’entreprise joue un rôle majeur dans la perception que les internautes ont d’elle. Par le biais de sa communication (publicités, posts sur les réseaux sociaux, campagnes d’influence…), elle s’expose aux retombées positives comme négatives des internautes.

À travers ses communications et ce qu’elle donne à voir, l’entreprise a donc une responsabilité directe sur la manière dont elle est perçue. L’exemple du bad buzz H&M et de son shooting publicitaire jugé raciste en est la preuve. Conséquences : 2,3 millions de messages publiés sur X en 5 jours, boycott des internautes et de plusieurs célébrités telles que The Weeknd, magasins vandalisés…

  • Les internautes 

Qu’il s’agisse de clients, de prospects, ou simplement d’internautes exposés à vos contenus, tous ont la possibilité de laisser un avis, un commentaire, une note.

Sachant que 71% des consommateurs se déclarent influencés par les avis en ligne, le poids des internautes dans l’e-réputation des marques est considérable.

  • Les dirigeants

Ils sont la voix de l’entreprise. Au-delà des communications corporate, les internautes attendent des dirigeants qu’ils s’expriment en leur nom, via leur propre compte sur les réseaux sociaux. Ainsi, la plupart des PDG d’aujourd’hui se prêtent au jeu. De LinkedIn à X, en passant parfois par Facebook ou Instagram, ils n’hésitent plus à sortir du carcan des traditionnelles publications business pour dévoiler un peu plus de leur personnalité.

Avec leurs prises de parole, les dirigeants participent donc à la renommée et à la réputation de leur entreprise.

  • Les employés

À l’heure de l’employee advocacy, qui consiste à prendre la parole sur les réseaux sociaux pour mettre en avant son entreprise, les équipes jouent un rôle clé en matière d’e-réputation des marques. 

Mais parfois, une communication maladroite d’un employé peut venir menacer la réputation de l’entreprise tout entière. Souvenez-vous de l’exemple du Slip Français, sous le feu des critiques après que certains de ses employés se soient mis en scène sur Instagram en plein blackface. Tollé pour la marque : 7 fois plus de mentions qu’en temps normal, reprise dans la presse, appel au boycott…

  • Les concurrents

Les concurrents aussi peuvent entacher l’image d’une entreprise, sciemment ou non. En effet, ils peuvent la mentionner négativement, pointer du doigt ses produits / services jusqu’à laisser de faux avis, d’où l’importance de la veille concurrentielle pour suivre en temps réel les éventuelles mentions de sa marque par ses concurrents, mais aussi, pour rester informé de leurs dernières actualités.

  • Les médias et journalistes

Bien que les médias sociaux pèsent de plus en plus lourd face aux médias traditionnels, ces derniers restent néanmoins très influents, y compris sur les réseaux sociaux. D’ailleurs, dans de nombreux cas de crise, ce sont les premiers lanceurs d’alerte. 

  • Les influenceurs / leaders d’opinion

Réunissant de quelques centaines à plusieurs millions d’abonnés, les influenceurs ont un pouvoir immense sur l’image des marques. S’ils peuvent faire la promotion d’une marque, de ses produits et services, ils peuvent aussi totalement la déconseiller, voire appeler à son boycott.

Le hashtag #Deinfluencing, très tendance sur TikTok (près de 40 000 vidéos), nous montre bien que les influenceurs n’hésitent plus à dissuader leur communauté d’acheter certains produits lorsqu’ils jugent cela nécessaire.

Ainsi, en s’exprimant sur les réseaux sociaux, tous les acteurs d’une entreprise peuvent avoir un impact (positif comme négatif) sur sa e-réputation. Simplement veiller l’activité digitale autour de sa marque reste primordial, mais s’avère vite insuffisant aujourd’hui. Pour avoir une vision complète de ses retombées, il convient aussi de veiller l’activité autour de ses dirigeants, des influenceurs de son secteur, de ses concurrents...

Mais quelles plateformes faut-il veiller pour suivre toutes ces retombées ? 

Où se joue la e-réputation aujourd’hui ?

Transformation de Twitter en X, percée de TikTok, progression de LinkedIn, arrivée de Threads, Bluesky et autres alternatives à X… Le paysage des réseaux sociaux évolue à vitesse grand V, et particulièrement depuis les 2-3 dernières années. 

Pour les marques, il n’est pas toujours facile de s’y retrouver et de savoir quelle plateforme considérer dans sa stratégie social media. Mais une chose est sûre, la e-réputation ne se joue plus seulement sur Twitter, comme ce fut le cas pendant plusieurs années, elle est devenue multi-plateformes.

Force est de constater qu’aujourd’hui une crise-image peut survenir sur n’importe quel réseau, même les plus « lisses » comme LinkedIn. L’exemple de Lydia est en la preuve : il y a quelques mois, la start-up s’est retrouvée au cœur d’une polémique après une publication LinkedIn du compte @BalanceTaAgency l’accusant de diffuser une offre d’emploi « pleine de red flags ».

Une crise peut donc naître sur n’importe quelle plateforme, mais aussi, s’exporter d’une plateforme à une plateforme. De X à Instagram, en passant par TikTok, les réseaux sociaux sont aujourd’hui un espace de mobilisation et abritent, de ce fait, de plus en plus de sujets inflammables.

Pour les marques, il faut surtout retenir que même sans être présente sur un réseau, il est possible d’y être quotidiennement mentionnée, d’où l’intérêt d’intégrer plusieurs plateformes à sa stratégie de veille. 

Le bad buzz, l’ennemi n°1 de la e-réputation

Vous l’aurez compris à travers les différents exemples évoqués jusqu’ici, le bad buzz est la bête noire des marques soucieuses de leur réputation. Protéger son image exige donc d’éviter les crises ou, au moins, de réussir à les prévenir afin de minimiser leur impact.

Pour cela, le mot d’ordre est le social listening ! En effet, la mise en place d’une stratégie de veille, à l’aide d’un outil comme Visibrain, permet de :

  1. Réaliser un audit de son écosystème digital : ma marque est-elle associée à des sujets sensibles sur les réseaux sociaux ? Qui s’exprime sur ma marque (influenceurs, détracteurs, concurrents, activistes…) ? Sur quelles plateformes ? L’objectif : établir des standards basés sur les retombées habituelles autour de sa marque pour repérer facilement toute activité anormale

  1. Se préparer : l’anticipation est le maître-mot en matière de crise. Préparer des contenus, un circuit de décision interne, et une cellule de crise permet de gagner en réactivité et de réagir dès les premiers instants d’une crise pour mieux la contenir

  2. Mettre en place un système d’alerting : avec 1 milliard de posts publics émis chaque jour sur les réseaux sociaux, détecter les signaux faibles crisogènes est tout bonnement impossible sans outil de veille. Les outils comme Visibrain permettent en effet d’être averti en temps réel, dès le moindre signal faible (signe annonciateur d’une éventuelle crise), par SMS, e-mail, ou tout autre notification

  3. Piloter sa communication via la data : l’erreur en cas de crise est de réagir à chaud sans avoir au préalablement recueilli toutes les informations nécessaires pour préparer une réponse adaptée. Parmi les données importantes, accessibles via l’outil, nous retrouvons les volumes de messages, les thématiques fortes et la sémantique utilisée, la propagation entre plateformes, les communautés mobilisées, les différents pays touchés, et l’implication des médias. En croisant ces 6 indicateurs, les communicants s’assurent d’avoir une vision complète de la situation pour pouvoir prendre les bonnes décisions 

Anaig Nouvel

Directrice Générale chez Immodvisor

De la cacophonie à la fiabilité des avis clients : comment gagner la confiance des Français ?

Seulement 28 % des Français font confiance aux entreprises pour dire la vérité*. C’est une des raisons pour laquelle ils se fient désormais davantage aux avis en ligne qu'aux publicités, et c’est ce qui a profondément modifié leur manière de s'informer et de consommer en seulement quelques années. Pour preuve, ils sont 92 % à ne pas faire d'achats sans consulter les avis clients**

Les entreprises n’ont pas d’autres choix que de soigner leur e-réputation. La majorité d’entre elles l’ont bien compris et placent la satisfaction client au cœur de leurs stratégies. Elles sont d’ailleurs nombreuses à avoir mis en place des process de recueil de témoignages clients. Tellement, que ce marché est devenu mature, que les notes sont souvent (trop) bonnes et que les avis sont souvent (trop) nombreux.  

Dans ce contexte, comment peuvent-elles se différencier ? Comment dans cette marée d’étoiles, les marques peuvent-elles se démarquer et créer une préférence d’achat ? 

L’importance du tiers de confiance 

Il ne suffit pas, pour une marque, d’afficher des avis clients sur son site pour créer une relation de confiance. Au contraire, les internautes se méfient également des faux avis. Entre les scandales d’Amazon, la multiplication des fermes de faux avis, les reportages au 13h de TF1, l'intelligence artificielle et les fake news… Il y a de quoi s’interroger sur l’origine de chaque avis. Comment une entreprise peut-elle promettre à ses prospects que ses avis sont authentiques ? 

Chaque marque doit pouvoir communiquer sur la méthodologie employée pour recueillir la parole de ses clients, afficher sa politique de modération et de vérification de l’authenticité du dépositaire. Comme il n’est pas très crédible d’être juge et partie, des acteurs spécialisés dans le feedback et les avis clients ont fleuri ces dernières années. Des plateformes généralistes comme Trustpilot ou Verified Reviews, et des spécialistes comme immodvisor et GarageScore vérifient et modèrent les avis pour garantir leur authenticité. 

Ces tiers de confiance ajoutent une couche d'impartialité, car ils s'assurent que seuls les véritables clients peuvent laisser des avis. Grâce à ces spécialistes des avis clients, une marque peut opter pour un processus d'authentification des avis en demandant aux clients de prouver leur achat. Cela peut inclure l'envoi d'une preuve d'achat ou d'une invitation par e-mail directement après une transaction. De cette façon, seuls les clients ayant effectivement acheté le produit ou utilisé le service peuvent poster un avis. 

L’enjeu pour les entreprises sera de choisir le bon partenaire d’avis clients, le plus fiable aux yeux des Français. En apparence ils se valent tous, mais lorsque l’on creuse un peu leur process de modération et d’authentification, on peut percevoir des différences : modération grâce à l’IA, modération humaine (avant ou après la diffusion de l’avis), vérification des avis signalés par l’entreprise cliente, preuve systématique… Pour y voir plus clair, il existe en France une norme régit par Afnor Certification garantissant l’impartialité de la solution d’avis clients : “ L'ISO 20488:2018 définit les exigences et les recommandations relatives aux principes et aux méthodes à appliquer par les gestionnaires d'avis lors de la collecte, de la modération et de la publication des avis en ligne de consommateurs.”. A date, 12 entreprises sont certifiées ; pour les autres, il est à se demander ce qui les empêche de l’être. 

Des entreprises françaises courageuses et ambitieuses choisissent d’investir et de développer leur propre système d’avis (mais sans certification). Dans cet exercice, Décathlon est un brillant exemple. En plus de respecter un processus de collecte et de modération fiables, Décathlon a fait des avis clients une véritable culture d’entreprise. Les retours des clients sont analysés et pris en compte pour l’amélioration des produits et le choix des innovations. Mais cela reste une exception car la majorité des entreprises choisissent de s’associer à un tiers de confiance : moins coûteux pour un meilleur rapport performance/confiance. 

Et qu’en est-il des avis Google ? 

Ce sont les plus influents et les plus visibles du web, c’est certain. Aucune entreprise ne peut y échapper, Google s’en est bien assuré. Donc oui, les entreprises doivent jouer le jeu des avis Google et doivent les inclure dans leur stratégie d’avis clients. Mais ils ne suffisent pas à créer une relation de confiance avec les internautes. Et pour mieux s’en convaincre, il suffit de regarder ses règles de dépôt d’avis et de modération. En résumé, il suffit d’avoir un compte Google et de ne pas avoir écrit de propos diffamants pour voir son avis publié. Il n’est pas question ici de vérification d’identité, de modération à posteriori, de vrais clients. Ceci dit, au vu des dernières réglementations DMA et DSA, Google a fait évoluer son système et se bat contre les faux avis…mais à sa façon. Le moteur de recherche a développé une IA pour supprimer ce qu’il considère comme des faux avis (avec les dommages collatéraux évidents). C’est une évolution qu’on ne peut que saluer et on peut s’attendre à d’autres nouveautés de ce genre prochainement. 

Les Français ne sont pas dupes concernant les avis Google, même s’ils les lisent en premier, ils sont 81 % à estimer les avis crédibles lorsque ceux-ci sont vérifiés par un organisme indépendant***. Et Google l’a bien pris en compte car il a rajouté les avis tiers de confiance dans les fiches Google. Depuis mars 2024 (DMA), ces avis ont fortement gagné en visibilité. Habitués à ces doubles sources d’avis, les internautes attendent maintenant des entreprises cette double réassurance. Et pour y arriver, mieux vaut des notes homogènes…

Si l’objectif est de créer une relation de confiance forte, les marques doivent également considérer que la valeur des avis clients réside dans la possibilité d'engager un dialogue. Trop souvent, les avis sont perçus comme un score à améliorer, une statistique à booster. 

Le prochain chapitre de la Revue Hypertexte est consacrée à la vulgarisation. Nous y retrouverons :