Chapitre #05 - 2024

Idées créatives

Pour une meilleure expérience, nous vous invitons à profiter de ce chapitre avec un ordinateur.

C’est déjà le cinquième chapitre de la Revue Hypertexte, édition 2024. Lancer un média n’est pas une tâche facile. C’est même une assez mauvaise idée lorsqu’on a pour idée de mener des projets sécurisés et sécurisants. Mais au-delà de l’envie, la création de la Revue Hypertexte nous est apparue comme étant une nécessité.

La volonté de créer nos propres contenus, pour nous-mêmes et pour un projet qui nous appartiendrait, ne date pas d’hier. Qu’attendions-nous ? D’être tout à fait prêts ? D’avoir encore plus de ressources, qui auraient été de toute façon occupées ailleurs ? Parfois, il est indispensable d’admettre que le monde évolue rapidement. Le monde du numérique change encore plus vite et il faut s’adapter si ce n’est changer soi-même.

Décider de créer un média lorsque l’intelligence artificielle s’est déjà si bien installé dans notre quotidien n’a rien d’anodin. Notre revue vous proposent les points de vue de plus de 30 experts que nous avons sélectionnés pour leurs singularités respectives. Vous avez sûrement remarqué les illustrations également présentes. Elles sont tout aussi importantes que les textes des auteurs invités. Cette création, vous y participez en faisant partie de notre toute première audience. Nous tenons à vous remercier pour votre soutien précoce, pour ce tout nouveau média.

Ninon Le Lay est la créatrice du Studio Cyanotype. Retrouvez son travail sur sa chaîne Youtube et son compte Instagram. Elle a créé pour notre revue trois illustrations splendides pour accompagner l’article de Magali Preud’homme « Être créatif.ve à l'époque de l'intelligence artificielle ». Ces illustrations seront présents également dans la version imprimée de notre revue, disponible à partir de janvier 2025 et en précommande ici.

Magali Preud’homme
Autrice, créatrice du projet merrygraph

Être créatif.ve
à l'époque de l'intelligence artificielle

J'écoute les gens dans la rue. (Et derrière les murs.) Le conducteur en haut-parleur dans sa voiture, insouciant du fait que tout le monde l’entende. Les cris sur les chantiers. Les discussions météo de voisinage. J’écoute, et je note au vol des anecdotes dans mon carnet à idées. Indiscrétion ? Curiosité malsaine ? Non, la captation continue à des fins de recherche créative. Je me connecte au monde. Je m’ouvre à ce qui se passe autour de moi. J’éponge mon environnement pour m’imbiber d’idées, de couleurs, de formes, d’histoires. Je cherche les détails, les aspérités. Tout élément est bon à saisir. Parfois, il déclenche des souvenirs, des réflexions, et fait jaillir d’autres idées. La créativité vient de là : d’une collecte de données de tout calibre que l’on va recycler, récupérer, remixer.

Pour apprendre, on nous préconise souvent de nous attabler sagement à un bureau, dans un silence de cathédrale — fausse bonne idée. Dans « How we learn »(1), le journaliste scientifique Benedict Casey explique comment la mémoire humaine ne se construit que si nos sens sont stimulés. Le souvenir se fixe grâce à l’ambiance dans laquelle nous sommes. N’as-tu jamais croisé un.e inconnu.e portant un parfum familier ? La mémoire fouille dans ses sédiments : que me rappelle cette odeur ? Qui la portait ? Pourquoi des émotions ambivalentes affleurent-elles ? Nos Madeleines de Proust attendent en nous d’être croquées.

La mémoire est liée à l’expérience — la créativité, aussi. Sans passé, pas de nouvelles idées. Nos pensées et nos souvenirs se croisent sur des chemins mystérieux, et quand on crée, on se surprend à les revisiter. Toute innovation émerge dans un contexte. L’IPhone est apparu parce que des jalons technologiques avaient été posés. L’art se construit sur l’art, toute création est recréation. Picasso s’est saisi de l’héritage impressionniste pour imposer une vision du réel toujours aussi subjective, mais plus massive que diffuse. Les ruptures se font en réponse à une continuité. Dans son documentaire « Everything is a remix »(2), le canadien Kirby Ferguson illustre comment, du hip-hop à TikTok, le nouveau réutilise l’ancien. Nous baignons dans des cultures, dont les composantes sont sans cesse pliées, mélangées ou cassées(3).

La seule condition de la créativité, c’est de transgresser une case, un seuil, une limite, une norme, un schéma, un stéréotype. Il faut voir une logique pour en sortir. Ouvrir une cloison vers un nouvel horizon. En littérature, la métaphore ne marche que si elle interrompt. L’écrivain·e agit sur les représentations de son lectorat en changeant un attendu. Dans la fiction Silo de Hugh Howey, les habitant·es d’une tour de béton croient fermement qu’il ne faut pas la quitter car le monde extérieur est dangereux — la sortie du silo étant la pire des condamnations dans leur système clos. Pour contrôler leurs croyances, une unique fenêtre s’ouvre vers un paysage tchernobylien. Et si cette image était un artefact ? Et si la vérité officielle était mensongère ? Et si… ? Galilée, Albert Einstein, Marie Curie ont d’abord émis des hypothèses pour croire en l’anormal, en l’interdit. « Plus souvent qu’on ne le croit, l’impossible est dans nos perceptions », résume Luc de Brabandere(4).

Suffit-il de rompre une logique pour trouver une idée créative ? Quel processus nous y amène ? Peut-on le reproduire, l’industrialiser ? Une intelligence artificielle peut-elle l’émuler ? On peut penser que oui. Dans le livre « The Art Of Thought », paru en 1926, l’universitaire Graham Wallas découpe le processus créatif en cinq phases :

  1. préparation,

  2. incubation,

  3. illumination,

  4. réalisation / évaluation,

  5. vérification.

Voilà, semble-t-il, un itinéraire à suivre les yeux fermés. À la troisième étape, les choses coincent. Comment s’émule l’illumination ? Comment survient l’idée — l’idée super, géniale, celle « qui tue »(5) ?

Quelques artistes appellent à des explications New Age. Parce qu’elle fascine, la créativité aurait ce quelque chose de détaché de nous, de magique. Dans son bestseller sur la créativité(6), l’autrice Elizabeth Gilbert raconte qu’en écrivant, elle canalise, capte ce qui existe en dehors d’elle — des idées qui s’échappent pour aller visiter une autre personne, si elle ne les attrape pas au vol. De leur côté, les sciences déconstruisent progressivement les idées éculées sur le génie, les idées qui flottent ou les muses capricieuses. La construction de compétences, l’importance d’une pratique assidue, qui aboutit à une intuition, l’œuvre du temps, de la patience, voire de l’acharnement, l’équilibre entre tension et relâche (il faut être obsédé·e par des problèmes, réellement frustré·e, et puis « dormir dessus »), le rôle du milieu social et culturel, la psychologie de la créatrice ou du créateur… Tant de paramètres semblent jouer. Peu à peu, on raccroche les wagons sur ce que pourrait être la créativité, comment elle pourrait être induite. Rien ne paraît ni magique, ni mécanique.

On a beau se donner rendez-vous en équipe pour une session de brainstorming, ou inscrire à l’agenda qu’il faut pousser de nouvelles réflexions — la créativité n’a pas d’horaires de bureau. L’idée ne se convoque pas à une heure précise, elle s’invite au moment où on ne l’attend pas. Comme dans Le Meurtre du Commandeur d’Haruki Murakami (l’histoire d’un peintre qui transmute son art), l’Idée serait un être réincarné, subversif et un tantinet dérangeant, qui surgit dans notre salon, sans invitation. Quand on dort, rêve, fait la vaisselle ou prend notre douche, une idée peut émerger, sans signaler son origine véritable.

L’inconscient est pivot dans notre créativité. Les surréalistes expérimentaient avec l’écriture automatique dans des états somnolents. Thomas Edison s’endormait avec un verre dans la main pour se réveiller juste avant de basculer dans le sommeil, dans l’état hypnagogique, un état hallucinatoire où nous percevons des images et des sons par flash. Dmitri Mendeleïev a vu en rêve le tableau de la classification périodique des éléments. C’est dans la détente ou le détachement que l’Eurêka survient. Ne contrôlant pas la créativité, on pourrait difficilement l’enchaîner.

Quand je demande à ChatGPT s’il « pense » qu’il est plus créatif que moi, il me répond : « En tant qu'intelligence artificielle, ma conception et ma fonction principale sont axées sur la génération de texte et la fourniture d'informations pertinentes. Je peux être programmé pour générer des idées créatives et des réponses originales, mais cela dépend en fin de compte de la manière dont mes concepteurs m'ont entraîné. Cependant, il est important de noter que la créativité est un trait qui est généralement associé aux êtres humains. »

L’intelligence artificielle dit elle-même ce que nous avons déjà dit, puisqu’elle est basée sur la prédiction. Dans ses réponses, je note les mêmes approximations qu’une connaissance de longue date qui s’efforce de se souvenir des détails de notre dernière conversation. Elle devine, collecte, rassemble, synthétise. Peut-elle voir au-delà de l’horizon, de son silo ?

Sur mon écran, le message apparaît avec fluidité. Aucune hésitation, pas d’édition en cours de route — j’ai longtemps rêvé d’écrire comme ça : comme un robot, à cadence constante. Je me suis entraînée, en méditant entre deux gongs, en me forçant à taper sur mon clavier, petits doigts inclus, en ayant l’hygiène de vie d’une sportive de haut niveau. J’ai fait mon deuil : jamais, je n’écrirai à flux constant. Le processus créatif est brouillon, décousu, fait de lignes brisées et de circonvolutions. D’interruptions et de papillonnages.

« La créativité humaine est unique et diversifiée, poursuit l’IA. » Je repense à ce professeur qui soupirait à l’encre rouge des « soit… » dans la marge de mes dissertations. Réussirait-il à programmer un algorithme qui évite les lieux communs ? « Elle est alimentée par nos émotions, nos expériences personnelles et notre sensibilité aux aspects culturels et sociaux. En tant qu'intelligence artificielle, je suis capable de générer des idées et des réponses, mais je ne possède pas la même profondeur émotionnelle ou les mêmes expériences vécues qu'un être humain. Cela peut affecter ma capacité à être aussi créatif qu'un individu humain. »

Pensée non linéaire. Profondeur émotionnelle. Perspective unique. ChatGPT sait cajoler notre ego — « tout flatteur vit aux dépens de celui qui l'écoute », La Fontaine nous a mis en garde. En plein essor, l’intelligence artificielle fait parler d’elle, et suscite les questionnements sur ses dangers et ses opportunités.

D’après certains chercheurs de longue date sur l’IA, son développement pourrait nous dépasser, et représenter une menace de grande ampleur pour l’humanité. De Frankenstein à Terminator, en passant par 2001, l’Odyssée de l’Espace, la science-fiction a déjà brillamment imaginé cette trame narrative. Fruits de notre inventivité, les robots peuvent-ils se retourner contre nous ? Ces prophéties méritent-elles notre attention ou notre incrédulité ? Dans un tel scénario, la créativité sauverait-elle l’humanité ?

« En fin de compte, la créativité est une qualité subjective et dépendante du contexte, conclut ChatGPT. Il est possible que vous ayez des idées et une capacité créative qui me surpassent dans certains domaines, car vous avez votre propre expérience de vie et votre perspective unique. La collaboration entre l'intelligence artificielle et les humains peut souvent être très fructueuse, puisqu’elle combine nos forces respectives pour produire des résultats plus riches et diversifiés. »

Pour l’heure, l’IA nous apparaît comme un Tamagotchi amusant qui peut nous délester de tâches rébarbatives dans notre quotidien, comme synthétiser un texte, organiser des données, générer du contenu multimédia, découper les contours d’une image, animer notre visage ou imiter notre voix… Peut-on élever ce super secrétaire à un niveau suffisant pour qu’il devienne notre double digital ? Va-t-il nous relayer en termes de créativité ? Modifier à jamais le paysage de nos sociétés ? Les conjectures s’empilent.

La créativité a été annoncée comme la compétence clef du XXIᵉ siècle. Cela paraît presque trop beau : avec l’automatisation du travail, on se focaliserait sur notre valeur ajoutée première, cette « soft skill » qui a cimenté nos sociétés. Car si on retrace notre histoire, la créativité est partout : invention du feu, de l’écriture, de la charrue, de l’électricité, de l’informatique… Dans « The Origins of Creativity »(7), le chercheur Edward O. Wilson décrit comment l’accroissement de la taille de notre cerveau a permis toute cette histoire.

Le vidéaste Casey Neistat, référence du vlog sur YouTube, a entrepris de créer une vidéo à partir d’un script généré par l’IA. En sont ressorties cinq minutes plates, sans surprise, dont le décalage produit un grand effet comique — pourtant non programmé. Il manque à la création de la subtilité, une tonalité originale, une perspective unique. Un « feel », comme dirait le musicien Dave Grohl. Dans son autobiographie, il explique comment un·e batteur·se imprime un style unique, inimitable, reconnaissable par des oreilles affûtées. Un style né d’une individualité, difficilement reproductible.

L’intelligence artificielle peut encore apprendre de ses erreurs, s’améliorer. En 1996, Garry Kasparov battait Deep Blue, le super calculateur d’IBM, aux échecs. L’année suivante, c’est lui qui était vaincu. Aujourd’hui, plus aucun·e humain·e ne pourrait gagner aux échecs contre un ordinateur. MidJourney épate beaucoup avec les mondes fantastiques qu’elle parvient à ciseler à partir d’une simple demande écrite. Dans quelques années (mois ?), ChatGPT aura peut-être un second degré plus fin que celui des blagues de Carambar. Mais même si l’intelligence artificielle nous surpasse, nous ne cesserons pas de créer, de jouer aux échecs, de blaguer, de dessiner.

L’humanité est devenue créative en dehors de ses heures de travail. À l’ère préhistorique, œuvrant moins de quatre heures par jour pour chercher notre pitance, nous avions du « temps à tuer » — du temps pour raconter des histoires au coin du feu, peindre sur les parois des grottes ou façonner des statuettes. La science et l’art ont longtemps appartenu à des personnes délestées du souci de gagner leur pain, les femmes étant restées à l’écart du monde de la création, car elles n’avaient pas de temps pour elles, d’espace à elles, comme l’avance Virginia Woolf, dans Une chambre à soi(8). Au vingtième siècle, l’apparition des congés payés et la diminution du temps de travail ont fait place à plus de loisirs, élargissant l’accès à des activités auparavant fermées.

La créativité est une nécessité. C’est notre processeur, notre pièce motrice. À travers les activités créatives, nous cherchons le « flow » parce qu’il participe à notre épanouissement profond. Le psychologue Mihály Csíkszentmihályi(9) désignait, par ce concept, l’état d’immersion totale et harmonieuse que nous expérimentons en focalisant notre attention sur des activités nous demandant un effort. Pour lui, le flow ne pouvait se produire avec les activités passives, comme regarder la télévision (ou si l’on spécule sur ses écrits : déléguer son travail à une AI). Il faut un engagement de soi, de son attention, de son énergie — des points de difficultés, des défis à surmonter.

Nous sommes par nature créatives et créatifs. Ce sont plus souvent nos biais, nos croyances, nos formatages qui nous empêchent d’exprimer ce trait. Dans un monde ultra-connecté, où la quête de productivité est permanente, l’enjeu est aujourd’hui de protéger notre pouvoir de créer. De redécouvrir des espaces de liberté pour faire éclore notre créativité. Pour cela, il faut s’éloigner des écrans, aller voir ailleurs, comprendre son rythme, renouer avec ses sens, explorer ses souvenirs, s’autoriser à s’ennuyer, s’immerger dans des expériences réelles... S’autoriser à faire parce qu’on aime faire, sans récompense, ni précommande. Défendre l’envie contre la contrainte ou la facilité.

(1) How We Learn: The Surprising Truth About When, Where, and Why It Happens, Benedict Casey, Penguin Random House, 2014

(2) Everything is a Remix, documentaire de Kirby Ferguson, https://youtu.be/X9RYuvPCQUA

(3) The Runaway Species: How Human Creativity Remakes the World, David Eagleman & Anthony Brandt, Canongate, 2017

(4) Pensée magique, pensée logique : Petite philosophie de la créativité, Luc de Brabandere, Le Pommier, 2012

(5) L'idée qui tue ! Politique, business, culture... Les 10 secrets des idées qui durent, Nicolas Bordas, Eyrolles, 2022

(6) Comme par magie: Vivre sa créativité sans la craindre, Elizabeth Gilbert, Calmann-Lévy, 2016

(7) The Origins of Creativity, Edward O. Wilson, Penguin Books, 2018

(8) A Room of One's Own, Virginia Woolf, Hogarth Press, 1929

(9) Flow: The Psychology of Optimal Experience, Mihály Csíkszentmihályi, Harper & Row, 1990


Clément Pessaux
Consultant SEO et éditeur de sites. Spécialiste en stratégie SEO

Dans l'univers en constante évolution du référencement naturel (SEO) et des réseaux sociaux, Google Discover fait figure d'OVNI. Ni tout à fait l'un, ni tout à fait l'autre, cette fonctionnalité lancée par Google en 2018 bouscule les codes établis et ouvre de nouvelles perspectives pour les éditeurs de contenu, les e-commerçants et les spécialistes du SEO. Regardons de plus près cette plateforme hybride qui pourrait bien représenter l'avenir du trafic gratuit sur Google.

Google Discover, c'est un peu le "Canada Dry" des réseaux sociaux : ça y ressemble, ça en a le goût, mais ce n'est pas vraiment un réseau social. En réalité, Google n'a rien inventé avec Discover, il a simplement modernisé et adapté un concept bien connu : celui du fil d'actualité personnalisé, où le contenu est roi et où l'image joue un rôle clé pour capter l'attention de l'utilisateur. La majorité d'entre nous a déjà utilisé des services de curation de contenus où il fallait intégrer des flux RSS, pour avoir un flux de contenu correspondant à nos centres d'intérêts et ainsi éviter les contenus parasites qui polluent l'information.

Discover se présente comme un flux d'articles, de vidéos et d'images provenant de diverses sources, allant des sites d'actualités aux blogs spécialisés, en passant par YouTube. Un véritable melting-pot de contenus, où se mêlent les dernières tendances et les sujets qui intéressent chaque utilisateur, le tout sans qu'il ait besoin de formuler une requête.

D'un point de vue SEO, Google Discover représente un changement de paradigme. Fini le référencement basé uniquement sur les mots-clés et les backlinks, place à une approche plus sémantique et plus centrée sur la qualité et la pertinence du contenu. Discover s'inspire des algorithmes de personnalisation à la TikTok ou d'Instagram, mais sans l'aspect interactif et social. Un pont entre deux mondes, certes, mais un pont qui reste encore à consolider. Les mises à jour et les évolutions sont constantes sur Discover, ce qui en fait un terrain de jeu mouvant et particulièrement instable.

Pour les éditeurs de contenu, Google Discover représente une opportunité en or d'atteindre une audience plus large, sans rentrer dans une logique SEO. En apparaissant dans le fil Discover des utilisateurs, un article ou une vidéo peut générer un trafic conséquent, mais peu qualifié, souvent moins engagé qu'un trafic provenant des pages de résultats classiques, qui n'en reste pas moins intéressant. De plus, il y a un côté instantané sur Discover qui séduit énormément, il ne faut pas nécessairement attendre des mois pour avoir des résultats, quelques jours peuvent suffire pour générer des milliers, voire des centaines de milliers de clics.

Pour les créateurs de contenus actifs sur les réseaux sociaux, notamment sur YouTube, Discover offre une visibilité supplémentaire sans effort additionnel. Les vidéos YouTube sont en effet fréquemment mises en avant sur Discover, permettant aux créateurs de toucher un public plus large et potentiellement d'attirer de nouveaux abonnés. Cet axe de travail sur la visibilité d'une vidéo sur Discover est encore largement sous-exploité et représente un vrai défi pour les créateurs dans les prochains mois.

Avec l'importance croissante de Google Discover, certains experts du SEO s'interrogent : et si cette plateforme devenait, à terme, la principale source de trafic gratuit en provenance de Google ? Si cette hypothèse venait à se confirmer, cela signifierait un bouleversement profond des stratégies SEO, qui devraient alors se focaliser davantage sur la qualité intrinsèque du contenu et sur sa capacité à susciter l'intérêt des lecteurs, plutôt que sur des critères purement techniques. L'impact des interactions et de l'expérience utilisateur seraient alors les vecteurs les plus importants dans une stratégie globale de visibilité.

Traditionnellement, le SEO repose en grande partie sur l'analyse de données : données des SERPs, des logs serveurs, de la Google Search Console, etc. Beaucoup d'experts ont donc naturellement tenté d'appliquer ces méthodes à Google Discover, dans l'espoir de décoder son algorithme et d'en tirer des facteurs de ranking.

Mais force est de constater que l'approche de Discover est bien plus sémantique que statistique. Plutôt que des chiffres et des pourcentages, ce sont les mots, les expressions et les idées véhiculées par le contenu qui semblent primer.

Pour performer sur Google Discover, la qualité du contenu est primordiale. Mais qu'est-ce qu'un contenu de qualité aux yeux de Discover ? Difficile à dire avec certitude, tant l'algorithme est opaque et sujet à des ajustements fréquents. Néanmoins, certaines bonnes pratiques semblent se dégager :

  • Un contenu original, apportant une réelle valeur ajoutée par rapport à ce qui existe déjà sur le sujet

  • Un contenu bien structuré, agréable à lire et visuellement attractif (avec des images et/ou des vidéos pertinentes) 

  • Un contenu s'inscrivant dans les tendances du moment et répondant aux intérêts des utilisateurs

  • Un contenu provenant d'une source fiable et faisant autorité dans son domaine

Au-delà des aspects techniques et rédactionnels, c'est souvent au niveau des idées et des angles traités que se joue le succès sur Google Discover. Il ne s'agit pas seulement de produire un contenu optimisé, mais surtout de trouver les bons sujets, ceux qui vont susciter la curiosité et l'intérêt des lecteurs. Une approche qui nécessite une bonne connaissance de sa thématique et de son audience, ainsi qu'une veille constante sur les tendances et l'actualité en prenant soin de prendre un axe éditorial original et décalé des grands médias.

Malgré les efforts de la communauté SEO pour comprendre les rouages de Google Discover, force est de constater que son fonctionnement exact reste entouré de mystère. Les critères précis qui déterminent l'affichage d'un contenu dans le fil Discover d'un utilisateur sont inconnus, et semblent en partie liés à des facteurs difficilement maîtrisables, comme l'historique de navigation ou les interactions précédentes avec des contenus similaires. Google tire en grande partie ses informations de Google Chrome, Google nous lit, écoute et regarde afin de trouver le meilleur flux Discover possible pour chaque utilisateur.

Autre défi de taille pour les éditeurs : la volatilité de la visibilité sur Discover. Un contenu peut générer un pic de trafic impressionnant pendant quelques heures ou quelques jours, puis retomber dans l'oubli aussi vite qu'il en est sorti. Cette absence de pérennité rend difficile l'élaboration d'une stratégie à long terme, et oblige à un effort de production constant pour maintenir un certain niveau de visibilité.

Implanter une stratégie Discover pour les e-commerçants peut sembler au premier abord contre-intuitif. Discover, c'est avant tout un trafic de masse relativement peu qualifié, alors que les e-commerçants cherchent prioritairement du trafic qualifié pour convertir des ventes. C'est en partie vrai, les options pour convertir les visiteurs en clients ou en abonnés sont restreintes par le format même de Discover, qui encourage une consommation rapide et éphémère des contenus.

Pour autant, Discover permet de faire connaître une marque au plus grand nombre, en mettant en place des mécanismes de réassurance et de branding. Discover peut ainsi se convertir en un levier très intéressant pour des marques qui veulent se faire connaître du grand public sans dépenser massivement dans les campagnes de branding.

Google Discover, c'est un peu le Far West du SEO et des réseaux sociaux. Un territoire vaste et prometteur, mais encore largement inexploré, où les règles habituelles ne s'appliquent pas toujours. Pour les éditeurs et les créateurs de contenu prêts à relever le défi, c'est l'occasion de repenser leur approche, de privilégier la qualité et la pertinence, et de miser sur la force de leurs idées. L'avenir du trafic gratuit sur Google se joue peut-être ici, dans cette curieuse interface où se mêlent actualités, recommandations personnalisées et contenus tendance. À nous de savoir en tirer parti, sans pour autant délaisser les fondamentaux du SEO et du content marketing. Car si Discover bouscule les codes, il ne les remplace pas : il ouvre simplement de nouveaux horizons, qu'il nous appartient d'explorer avec créativité et discernement.

Le prochain chapitre de la Revue Hypertexte est consacrée à la vulgarisation. Nous y retrouverons :

  • Guillaume Pardies, kinésithérapeute pour nous parler de prévention santé, entre conseil et succès des influenceurs sur le Web,

  • Olivier Gechter, ingénieur nucléaire qui évoquera avec nous la frontière entre communication et vulgarisation scientfique,

  • Bénédicte Didier, experte en éloquence, pour nous présenter son point de vue au sujet de la prise de parole en public pour des sujets complexes,

  • Dr Anne Malouli-Dohr, médecin généraliste, gériatre et fondatrice de Haltemis, afin de nous partager son point de vue sur l’utilisation des outils numérique pour la prévention en santé.